Histoire : L'autostoppeuse

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Histoire


Histoire ajoutée le 10/03/2008
Épisode ajouté le 10/03/2008
Mise-à-jour le 03/07/2021

L'autostoppeuse

Chapitre I


La rencontre




Sybil attendait depuis plus d'une heure sur le bord de la chaussée, à  l'embranchement de l'autoroute A6. Elle s'était assise sur son blouson, son sac à  dos posé devant elle, et elle avait lâché le panneau « Marseille » qu'elle tenait à  bout de bras depuis trop longtemps. Elle pestait à  voix basse contre ces automobilistes trop pressés, qui avaient tellement peur de ralentir leur sacro sainte moyenne, qu'ils avaient perdu tout sens de l'entr'aide. Il faisait une chaleur torride déjà  en ce début de matinée d'août et malgré la légèreté de son short en toile et de son débardeur passé à  même la peau, elle avait si chaud qu'elle avait l'impression d'être déjà  arrivée dans le Sud de la France.
Une voiture passa en trombe alors qu'elle levait un pouce machinal, d'avantage pour la forme que pour attirer visiblement l'attention. D'ailleurs la voiture ne ralentit même pas. Sybil commençait à  se sentir vraiment découragée. L'auto stop, en voilà  une idée amusante, un goût d'aventure, de liberté, et, après tout, quand on a un mois de vacances, on peut se permettre de perdre une heure ou deux. Une heure ou deux, oui, pensa-t-elle. Mais si aucune voiture ne s'arrêtait ? Si elle en était encore au même point à  la nuit tombée ? L'ami qui l'avait déposée à  ce point stratégique « Tu vas voir, dans cinq minutes, tu seras prise en stop, crois-moi » l'ami en question était reparti depuis longtemps, et elle, coincée entre les gravats de travaux et un panneau de signalisation, se sentait comme perdue au milieu du désert.
Même pas un coin d'ombre dans cette quasi canicule, se dit-elle. J'aurais mieux fait de passer les vacances avec mes parents et mon frère en Normandie au lieu de faire la maligne. Mais voilà . Elle faisait souvent la maligne. Elle n'avait qu'à  s'en prendre à  elle-même. Elle poussa un long soupir et enfouit sa tête entre ses bras croisés, posés sur son sac à  dos. Elle était tellement perdue dans ses sombres pensées qu'elle n'entendit même pas le crissement des pneus d'une voiture ralentissant, puis se garant à  quelques mètres devant elle. Lorsqu'une voix de femme l'interpella : « Hé, on dirait que ça marche pas très fort, le stop, non ? » Elle leva la tête et vit une superbe voiture noire rutilante, et penchée à  la vitre, côté passager, une jeune femme qui lui faisait signe.
« Elle se fiche de moi, ou quoi ? pensa Sybil, qui se leva quand même, s'épousseta et fit quelques pas vers la voiture. Elle eut une moue admirative en voyant le vaste intérieur cuir, le tableau de bord ressemblant en tout points à  un tableau de bord de Boeing.
-Ben non, vous voyez, ça ne marche pas très bien, le stop, dit Sybil d'une voix arrogante et ennuyée, s'attendant à  ce que la voiture reparte dans une belle envolée de poussière après éclat de rire narquois de la jeune femme à  la vitre. Mais elle n'en fit rien. Elle eut un sourire amusé, actionna une télécommande et la porte arrière s'ouvrit automatiquement.

-Montez, dit-elle, nous allons à  Marseille. On vous emmène, si vous voulez.

Sybil écarquilla les yeux et eut l'impression que sa mâchoire tombait jusqu'au sol tant sa surprise était grande. Elle avait déjà  calculé que pour rejoindre Marseille il lui faudrait au moins changer de véhicules trois ou quatre fois au mieux, et voila que cette voiture miraculeuse arrivait à  point nommé et que son occupante adorable lui proposait de l'y emmener d'une traite, dans un confort princier, en plus. Son sourire revint immédiatement jusqu'aux oreilles.

- Ah oui, dit elle, oui je vais à  Marseille, c'est vraiment, vraiment... Vraiment super gentil de votre part.

En deux enjambées, elle saisit son sac, abandonnant sur le sol son panneau « Marseille » désormais inutile, et vit venir à  sa rencontre le conducteur, un homme au sourire agréable, vêtu d'un T. shirt Lacoste et d'un pantalon de toile claire, qui lui prit galamment son sac des mains et le plaça dans le coffre.

Sybil s'installa sur le siège arrière et aussitôt fut envahie d'un sentiment de bien-être. Non seulement les sièges étaient encore plus confortables qu'elle l'avait imaginé, mais une bienheureuse clim, pas trop forte, lui donna une impression de divine fraîcheur. Elle soupira d'aise et se laissa aller en arrière sur le siège qui était vraiment aussi moelleux qu'un fauteuil de ministre.

La jeune femme se tourna vers elle. Elle avait un visage vif, des cheveux blonds ramenés en chignon banane dont quelques mèches s'échappaient et des yeux verts très brillants, intelligents et expressifs. Elle était vêtue d'une chemise claire dont les premiers boutons étaient dégrafés, laissant entre voir un joli décolleté. Ses mains aux ongles french manucurés étaient petites et fines et elle portait une bague en or et un petit bracelet fin au poignet. Sybil se dit qu'ils devaient avoir dans les trente-cinq ans, peut-être un peu plus.
« Je suis Nina, et mon mari Alex, dit elle. Et vous ?
- Sybil, répondit Sybil.
- Eh bien, bienvenue, Sybil, j'espère que vous allez passer un voyage très agréable jusqu'à  Marseille en notre compagnie. Nous y serons dans une dizaine d'heures, n'est-ce pas, chéri ? Inutile de se presser et de narguer les radars.
- Absolument, répondit Alex, le conducteur. Nous n'avons pas l'intention de vous donner des émotions fortes en conduisant comme des malades, pas vrai, mon ange ?
Nina éclata de rire comme s'il avait dit quelque chose de très drôle.
- Non, en effet, pas en conduisant comme des malades, répéta-t-elle.
Puis, s'adressant à  Sybil :
- Vous voulez boire un peu ?
Elle lui tendit une bouteille d'eau fraîche. Sybil l'attrapa et en but quelques longues gorgées, avec bonheur. Elle ne s'était pas rendu compte à  quel point elle avait soif.
- Vous devez être épuisée d'avoir attendu sous un soleil pareil, continua Nina. Je parie que ça faisait bien une heure que vous étiez là  marcher sur la route. Enlevez donc vos chaussures, mettez-vous à  l'aise. Ne vous gênez pas avec nous.
Sans se faire prier, Sybil défit les lacets de ses baskets et les ôta, l'une après l'autre. Elle fit bouger ses doigts de pieds libérés dans ses socquettes blanches et se massa les plantes et les chevilles. Elle surprit le regard d'Alex dans le rétroviseur.
- C'est vrai que ça fait du bien, dit Sybil. Je ne les avais pas quitté depuis tôt ce matin et j'ai quand même pas mal marché.
- Je n'en doute pas, dit Nina. Vous devez avoir les pieds tout endoloris. Si vous voulez, je vais vous faire un petit massage. Je suis kiné, ajouta-t-elle avec un petit sourire, comme Sybil levait des sourcils surpris.
- Après tout, pourquoi pas, pensa Sybil, je suis vraiment traitée comme une reine. Ces gens-là  sont drôlement sympas.
- Posez vos pieds ici, ajouta Nina, en tapotant l'espace entre les deux sièges avant, assez vaste en effet pour que deux pieds y reposent à  l'aise. Laissez-vous aller et fermez les yeux, vous allez voir, ça va vous faire du bien.
Sybil posa ses pieds fins sur l'accoudoir bas et se renversa encore plus dans son siège en fermant les yeux.
- Vous êtes partie toute seule ? Pas de copine, de copain avec vous ? demanda Nina
- Non, dit Sybil, j'avais envie de prendre un peu de liberté, de partir à  l'aventure, de découvrir des trucs, faire des expériences, quoi.
- Oh, je suis certaine que vous allez en faire, dit Nina.
Elle prit dans ses jolies mains fines un des pieds de Sybil et lui retira délicatement la chaussette.
-Vous avez de jolis pieds, Sybil, dit-elle, la plante a l'air douce et fine. Vos orteils sont aussi très fins et bien pédicurés.
- Oui, dit Sybil qui commençait à  trouver qu'elle en faisait un peu trop sur les compliments, j'aime bien prendre soin de mes pieds. L'été, je suis souvent en sandales avec des petits talons et j‘adore montrer mes jolis pieds, quoi.
- Vous avez raison, dit Nina, et Alex approuva également d'un signe de tête. Bon, je ne vous parle plus, que vous puissiez profiter du massage.
Du plat de la main, elle commença à  masser doucement son pied, calmement, doucement, et Sybil avait envie de ronronner tant cela était en effet délassant et agréable. Une fois le pied droit terminé, elle s'y prit de la même façon pour le gauche, ne se servant que du plat de la main, très calmement, avec des pressions à  des endroits où les muscles étaient tendus. Au bout d'un moment, elle s'arrêta.
- Hmm c'était sympa, vous avez appris ça où ? demanda Sybil.
- Réflexologie, c'est censé détendre le corps tout entier, pas seulement les pieds, je suis sûre que vous vous sentez un peu engourdie.
- En effet, dit Sybil en étouffant un bâillement. Puis l'instant d'après, elle poussa un petit piaulement aigu : sans le vouloir, Nina avait frôlé de son ongle le côté d'un de ses pieds. Nina se mit à  rire.
- Je vous demande pardon, dit elle, vous êtes chatouilleuse, on dirait.
- Ouh la la, vous ne pouvez pas vous imaginer, répondit Sybil. Quand j'étais petite, aucun médecin n'arrivait à  m'ausculter. Dès qu'il me touchait le ventre, je me mettais à  hurler et à  me crisper, il devait renoncer.
- Hmm, très impressionnant, dit Nina en la regardant en souriant. Et vous êtes toujours aussi chatouilleuse ? Partout ? Les aisselles, le ventre, les côtes, les hanches, les pieds ?
- Oh oui, dit Sybil, c'est affreux, je ne veux même pas y penser. Je crains les chatouilles, au point que ça me rend hystérique. (Elle aurait pu ajouter aussi que quelque chose dans les chatouilles l'attirait horriblement, peut-être justement cette impression de ne pas pouvoir y résister. En tout cas, elle en avait une peur bleue, et en même temps,les chatouilles faisaient souvent partie de ses rêves érotiques éveillés ou endormis. Elle n'en avait jamais parlé à  personne. Elle trouvait ça vaguement tordu.)
- En tout cas, reprit-elle à  vois haute, C'est pour ça que j'avais un peu peur de votre massage, là , mais j'avais tort, ça n'a pas chatouillé du tout, vous êtes vraiment très douée.
- Je vous l'ai dit, répondit Nina lentement, je suis kiné. Ca veut dire que je sais ce qui ne chatouille pas... et ce qui chatouille.
Ce fut au tour d'Alex d'avoir un petit rire.
- Je crois vraiment que je vais piquer un petit somme, dit Sybil, ça ne vous dérange pas ?
Elle avait les paupières de plus en plus lourdes, elle ne savait pas si c'était le massage ou bien juste le bien être qui l'envahissait. Les pieds nus toujours posés sur l'accoudoir avant, la tête renversée dans les coussins de cuir, elle sombra dans un profond sommeil.

à  suivre...

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