Histoire : Blaze Zero

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Histoire
  • Blaze Zero


Histoire ajoutée le 20/11/2015
Épisode ajouté le 20/11/2015
Mise-à-jour le 03/07/2021

  • SweatyGirlySoles Avatar
    SweatyGirlySoles - il y a 8 ans

    pas mal du tout black super chapitre mais quand meme assez déçu car en commençant a lire je me disait que ça commençai bizarrement :/ en effet a la fin de la justicière cass est ami avec tout le monde elle se casse pour tenter de trouver le chatouilleur quand t'a parler de suite a la justiciere je m'attendai en fait a la suite de l'histoire mais a la place de ca on a l'histoire retour en arriere avec thad et tout cass qui part des project et que bizarrement la elle est de retour dans les project mais le truc cque l'histoire en elle meme est super mais je m'attendait a la ( justiciere 2 ) la sa fait un peu comme les dessin animé qu'ils font toujour des 1 2 3 etc un peu comme le roi lion ils ont fait le 1 le 2 qui etait la suite du 1 et le 3 qui reprenait la meme histoire que le 1 le 1 et 3 c la meme histoire mais vu d'une autre facon enfin voila continue comme ca on vera bien le provhain chapitre ^^


  • Hasana Avatar
    Hasana - il y a 8 ans

    Salut ! Alors, pour ma part, je trouve que c'est une bonne idée de faire ça, mais j'aurais aussi préféré que ça reparte de la fin de la justicière... Parce que tout était mieux, mais d'un autre côté, on va vraiment être complètement dans la peau de Blaze, et plus seulement se Sally (même si j'aimais bien ce perso).
    On va aussi pouvoir suivre l'évolution de Cass, qui m'intriguait aussi j'avoue :p

    En tout cas, j'aime toujours autant ton écriture et je te lirais toujours.
    Continue comme ça Black, t'arrête pas !! ;)


  • Black Stingray Avatar
    Black Stingray - il y a 8 ans
    [u:3qdshotf]Chapitre 2 : La rage au ventre[/u:3qdshotf] La cloche retentit. Immédiatement, je m’avance vers le centre du ring et je lève les poings devant moi. Mon adversaire me fait un petit sourire en coin. Il commence déjà à me gonfler. Les médecins ont toujours dit à ma mère que je devais faire du sport, pour canaliser ma colère. J’en fais non-stop depuis l’âge de onze ans. Du baseball, puis du basket, où je me suis faite virer à chaque fois. J’emmerde les sports d’équipe. Alors le principal sport que je faisais, finalement, c’était des pompes et des abdos dans ma chambre, à continuer jusqu’à ce que ça me brûle, puis je regardais des films de Van Damme et j’essayais de faire pareil. Je voulais faire des arts martiaux, mais ma mère avait pas les moyens de payer une licence de club, tout ce qu’on pouvait s’offrir, c’était les clubs du lycée. Alors quand j’ai entendu parler du club de boxe, je me suis inscrite tout de suite. J’en fais depuis un an, et je suis devenue plutôt douée. Aujourd’hui, je fais trois rounds contre Thad Lambert. Ce sale fils de bourge me sort par les yeux, mais je dois reconnaître que c’est pas la star du club de boxe pour rien : il est vraiment, vraiment bon. Mais ça devrait aller. Si je me concentre sur mon envie de lui exploser son sale petit sourire en coin, je vais gagner. Alors je mets tout ce que j’ai dans un crochet que je lui balance à la gueule. Le salaud est rapide, il arrive à éviter mon coup et me répond, son direct me cueille en plein dans le nez, et je recule, je commence à voir trente-six chandelles. Je secoue la tête, pour reprendre mes esprits. Reste concentrée, tout ira bien. C’est lui qui attaque maintenant, j’esquive à mon tour, et en réponse je me mets à lui pilonner les côtes, je mets tout ce que j’ai dans les bras en grognant de rage, et je me rends même pas compte qu’il a bien positionné les bras pour se défendre et que mes attaques sont sans effet, jusqu’à ce qu’il décide de me repousser et de m’enchaîner trois quatre directs dans la gueule. Je tombe, je me relève aussitôt pour rattaquer, et de nouveau, il esquive et me renvoie au tapis. Et à chaque fois, ce salaud me fait un grand sourire. Il me provoque, et plus il me provoque plus ça m’énerve et plus je veux cogner fort, mais rien n’y fait. Quand la cloche sonne au bout de trois minutes, je retourne dans mon coin crevée, je suis trempée de sueur et j’ai mal partout. Lui, il s’est pas pris un seul coup et il a l’air en pleine forme, même sa coiffure a pas bougé d’un poil. Je vais y arriver, je trouverai bien un moyen de le fumer… Une main se pose sur mon épaule par derrière, et j’entends la voix de Mademoiselle Kaczinski qui me dit : Tu es trop énervée, Danielle, calme-toi. Tu ne pourras jamais battre Thad comme ça, il est plus rapide et plus fort, ta seule chance est de l’avoir aux points. Reste souple sur tes jambes, observe-le, danse autour de lui, et contre ses coups par des petits directs. Il est tellement sûr de lui qu’il ne va rien comprendre. Ces paroles arrivent à me calmer. Mademoiselle Kaczinski est la seule prof que je respecte dans ce bahut. La plupart ont abandonné, se contentent de dire que je suis qu’une racaille et à filer punition sur punition. Mais pas Mademoiselle Kaczinski. Quand elle a vu que je foutais trop le bordel dans son cours, elle m’a défiée à la lutte et elle m’a battue sans problème. Et ça je respecte, c’est plus honnête que de se cacher derrière son statut de prof et de parler d’autorité et de respect sans en avoir rien à foutre. Bien sûr, elle se gêne pas pour me filer des heures de colle elle aussi, mais elle m’a toujours encouragée à faire de la boxe, je crois que dans le fond, elle m’aime bien. La cloche sonne pour le deuxième round. Je me lève, je prends une grande inspiration, et je me calme. Je monte ma garde et commence à sautiller, à me balancer d’un pied sur l’autre, en souplesse, tout en gardant une respiration égale. Il recommence à me narguer avec son petit sourire, mais je n’y prête pas attention. Je vois son poing se lever. Bim ! En un éclair je fais un petit pas de côté pour l’éviter et je lui mets un petit direct rapide dans le nez, avant de reculer tout aussi sec. Il me regarde, éberlué. Et je peux pas m’empêcher de sourire. Il ne s’attendait sûrement pas à ça ! Il me fonce dessus de nouveau, il réessaye, et je refais la même tactique, et ça marche ! Il se prend un nouveau coup dans le pif sans comprendre comment ! C’est presque de la danse, je sautille d’un pied sur l’autre, légère comme une plume, j’attends qu’il attaque, j’esquive, je tape, je m’éloigne, et je recommence. Ça devient un jeu qui m’amuse beaucoup, et limite j’ai envie de rire mais je dois me retenir pour pas faire tomber mon protège-dents. Et Thad, oh le pauvre ! Il croyait qu’il gérait, que ça allait être fastoche, et là il comprend pas du tout ce qui se passe, il arrive pas à me toucher, et moins il y arrive, plus il s’énerve, et plus ça devient facile pour moi. Au bout de trois minutes, quand la cloche retentit pour la fin du round, je retourne dans mon coin avec un sourire jusqu’aux oreilles. Pas mal, me dit Mademoiselle Kaczinski. T’as égalisé le score. C’est le dernier round, continue comme ça et tu vas gagner. La cloche sonne de nouveau, début du troisième round. Ha ha, qu’est-ce que je me marre ! Autour du ring, j’entends d’autres élèves gueuler, tout le monde encourage Thad. Bien sûr, il est plus populaire que moi ! Mais il va perdre. Il s’avance, je lui envoie un petit direct dans le nez, et tout de suite, je recule… quoi ? Je ressens une douleur vive à mon pied, et d’un seul coup je ne peux plus reculer… il m’a marché sur le pied ! Coincée, je peux pas esquiver ce qui arrive et je me prends un uppercut dans le bide, suivi d’un crochet à la tempe qui me fait cracher mon protège-dents et m’envoie au tapis. Je me retrouve à quatre pattes sur le ring, j’ai super mal, et j’ai la tête qui tourne. J’entends l’entraîneur commencer à compter. Un ! Deux ! Trois ! Il arrive à huit quand enfin, le monde arrête de tourner autour de moi et je retrouve mes esprits. Et d’un seul coup, j’ai le cœur qui part à cent à l’heure et j’ai cette sensation qui revient. La rage. Thad, ce petit fumier, a utilisé un coup bas parce qu’il savait que j’allais gagner sinon. Salaud de bourge, je vais t’exploser ! Je me relève comme une furie et je lui rentre dedans. Il m’a pas vu venir, et j’arrive à le plaquer au sol, et en hurlant je lui envoie un pain, puis un autre, puis un autre, jusqu’à ce que l’entraîneur et Mademoiselle Kaczinski m’attrapent par les bras et arrivent à nous séparer. Les deux se mettent à m’engueuler, mais j’ai tellement la rage que je les entends à peine. J’arrive juste à regarder Thad se relever, puis me faire un petit sourire. Il a gagné, et il le sait. La sentence n’a pas tardé à tomber. J’ai eu beau me défendre en répétant qu’il avait triché, ce salaud avait bien calculé son coup et fait en sorte que personne ne le voit. Tout ce que les spectateurs ont vu, c’est que Cass la sociopathe a encore eu un accès de folie et agressé l’un des garçons les plus populaires du lycée. Il y a eu une réunion disciplinaire sur le coup, pour demander deux jours de renvoi pour violence. Mademoiselle Kaczinski est intervenue et a obtenu que ce soit changé en quatre heures de colle, à nettoyer la cour un samedi. Je m’en suis pas trop mal tirée. Par contre, pour l’autre sentence on a rien pu faire : virée du club de boxe. Le soir j’ai droit à une engueulade de ma mère, comme quoi je suis pas raisonnable, qu’il faut vraiment que j’arrête mes conneries, tout ça, tout ça… je l’écoute même plus. Je vais dans ma chambre sans dîner, j’ai trop la boule au ventre pour manger de toutes façons. Alors j’enchaîne les parties de [i:3qdshotf]Streets of Rage[/i:3qdshotf], mais même si en général me mettre dans la peau de Blaze Fielding la justicière intrépide pour aller casser la gueule à tous les voyous de la ville suffit à me faire me sentir mieux, là ça marche pas, je suis beaucoup trop en pétard pour ça. La boxe, j’aimais ça, putain ! J’avais trouvé le truc où j’étais douée, où je m’éclatais, où je pouvais enfin me passer les nerfs sans qu’on me gueule dessus ! Et ce connard, qui a déjà tout pour lui, il a fallu qu’il me prenne la seule chose que j’aimais ! Je joue jusque très tard, ma mère est déjà endormie, quand je me rends compte que j’arriverai jamais à dormir, ça bouillonne trop là-haut. Alors je me lève, et je regarde dans ma penderie. J’ai pas des masses de fringues, je suis pas ce genre de fille, mais j’arrive à trouver ce que je cherche : du noir. Je m’habille tout en noir, et je mets un bonnet noir, que j’enfonce le plus possible pour cacher mes cheveux et une grande partie de mon front. Ça devrait faire l’affaire. Puis je prends ma batte de baseball que je fourre dans un sac que je me mets sous le bras. Et je sors discrètement de l’appart. Je sais où habite Thad, tout le monde le sait. Son père est le mec le plus riche de la ville, il a la plus grande maison des beaux quartiers. Je vais y aller, je sais pas comment, mais je vais trouver un moyen d’entrer, puis je vais donner à cet empaffé la raclée qu’il mérite. Les rues sont pratiquement désertes, sauf quelques cris de bandes de mecs bourrés au loin. Je passe à côté d’un groupe de trois quatre hommes rassemblés sous un porche sombre, à chuchoter entre eux. Un deal de drogues, sans doute. J’évite de croiser leurs regards et je continue mon chemin. Les Projects la nuit, c’est vraiment pas l’endroit le plus sûr pour une fille seule. Pas grave. Je sais me défendre, et je suis armée. En plus, sapée comme je suis, on pourrait me prendre pour un mec, donc tant que je fais pas de conneries, ça devrait aller. Au détour d’une rue, j’entends deux mecs bourrés rigoler comme des crétins. Des bruits qui ressemblent à des coups. Une baston de sortie de bar, je me dis. Je fais pas attention, je continue. Au secours ! Je me fige. C’était une voix d’homme, qui venait de la même direction que les mecs bourrés. Je tourne la tête, et je vois ce qui se passe de l’autre côté de la rue. Et j’aperçois les deux ivrognes, rigolards, en train de savater un troisième homme à terre. Bande de raclures, même moi je ferais pas ça… mais ça me concerne pas, j’ai mon propre truc à faire. Je tourne de nouveau la tête, prête à me diriger vers l’entrée du métro… Je vous en supplie, à l’aide ! J’en ai mal au bide de l’entendre. Mais c’est pas mon problème, non, pas mon problème… et pendant que je me répète ça, mes mains bougent d’elles-mêmes pour ouvrir le sac et sortir la batte. Et mes pieds bougent d’eux-mêmes pour traverser la rue, doucement, pour pas qu’ils m’entendent, et je me glisse derrière eux. Je tremble de partout, j’ai l’impression que je vais me chier dessus. J’ai aucune idée de ce que je fais, j’en pleurerais tellement j’ai peur… je prends une grande inspiration, je serre mon arme de mes deux mains, de toutes mes forces. Et je frappe. J’atteins le premier mec dans le dos, et il s’écroule instantanément. Le choc remonte le long de la batte et jusque dans mes bras. Et pendant une demi-seconde, je reste là comme une conne. J’arrive pas à croire que j’ai fait ça. Le deuxième mec me regarde avec des grands yeux vides, il a pas encore calculé ce qui venait de se passer. Je rugis, et je le frappe. Il arrive quand même à se protéger, et mon coup arrive sur son bras. Alors je frappe son bras, encore, et encore, puis je change et je le frappe au genou, et il tombe comme son copain. Et je continue de cogner, à ce moment-là c’est confus, je ne sais pas combien de temps je suis restée là à taper sur ces deux mecs par terre, mais je sais qu’à un moment, j’ai comme un éclair de lucidité, je m’arrête, et je vois qu’ils bougent plus. J’arrête de respirer, j’ai la trouille de ma vie. Est-ce que je les ai… Je les vois bouger, un peu, et je les entends gémir. Ouf ! Je respire enfin, mais je suis là, trempée de sueurs froides, et je comprends toujours pas ce qui m’a pris. Puis mon regard croise celui qu’ils tabassaient, un vieil SDF qui me regarde avec de grands yeux hallucinés, et qui arrive tout juste à prononcer un « merci » tout faible. Je ne sais même pas quoi lui répondre. Je ne sais même pas quoi penser. Je me barre en courant. Comme quand j’étais toute petite et que je m’enfuyais dès que je voyais un clown, je fonce comme une dératée jusqu’à mon immeuble, je m’arrête devant la porte pour souffler, il faut que je me rappelle d’être discrète. Je rentre, j’enlève mes chaussures, et sans bruit, je vais dans ma chambre et me glisse dans mon lit. Tout va bien, je suis en sécurité, ici… j’en ai même oublié ce que je voulais faire à la base, en sortant, tout ce que je sais, c’est que… C’est que j’ai jamais dormi aussi bien que cette nuit-là. Tout ça c’était il y a deux semaines, et ce soir, je me retrouve là allongée sur l’établi d’un garage, à raconter ma vie à un vieux biker pendant qu’il me recoud. Et du coup, il me dit, tu t’es découvert une vocation ? Quand je me suis réveillé le lendemain matin, je m’étais pas sentie aussi bien depuis un moment. Mais le soir… le soir ça a recommencé, je pouvais juste pas dormir, il fallait que je sorte, il fallait que je recommence. Et le soir d’après aussi… et le soir d’encore après. Alors, ça te calme de tabasser des gens ? Oh ça m’a toujours calmée… mais ça, ce que je fais, c’est quelque chose de plus que ça m’apporte… c’est… je sais pas, je sais juste que je sens que je dois le faire, quand j’ai cogné quelqu’un qui avait mérité qu’on le frappe, je me sens juste hyper bien, je me sens… Tu te sens comme quelqu’un de bien ? Ouais. Mais elle te vient d’où toute cette rage ? Une jeune fille de ton âge, qu’est-ce qui a bien pu t’arriver ? Oh, je vais pas te raconter toute ma triste vie, mais pour la faire courte, mon père est mort quand j’étais petite, ma mère s’est remariée avec un connard alcoolique et violent qu’on a dû supporter pendant des années parce qu’elle avait trop peur de lui pour le quitter… et finalement quand j’avais onze ans on s’est tirées pour venir échouer ici, dans les Projects. Je commence à comprendre… j’ai fini, au fait. Je me redresse, j’ai encore un peu mal. J’arrive quand même à m’allumer une clope. Je t’ai recousu le bide, ça devrait aller. Par contre pour l’arcade, va falloir que tu gardes le pansement quelques jours… Bah, je dirai que je suis tombée dans l’escalier. Alors, tu comptes retourner dans les rues te battre ? Ouais. OK. Écoute, je suis pas psy, j’ai même jamais fini le secondaire. Mais j’ai vu assez de gueules cassées dans ma vie, je comprends ce que tu peux ressentir. Et je t'aime bien, en fait. Alors si je peux pas t’empêcher d’y retourner, au moins je peux t’aider à pas finir entre quatre planches. Comment ça ? La première chose, c’est d’apprendre à te ménager. Tu vas vite clamser si tu continues de prendre des risques inconsidérés. Là t’es blessée, alors donne-toi quelques jours de repos, interdiction de retourner dans les rues avant lundi prochain. Et lundi, au lieu d’aller… patrouiller, ou je sais pas quoi, tu reviens directement ici. Ici ? Mais pourquoi faire ? Pour commencer l’entraînement.

  • Black Stingray Avatar
    Black Stingray - il y a 8 ans
    [u:jfld3oyx][b:jfld3oyx]Chapitre 3 : Poussière d’ange[/b:jfld3oyx][/u:jfld3oyx] Cass, va vraiment falloir qu'on parle. Je me retourne, sur la défensive. J'apprécie pas du tout quand l'autre emmerdeuse de Sally vient me voir comme ça alors que je lui ai rien dit. Surtout quand elle me fait sa tête sévère, genre elle se prend pour une prof. Vas-y déballe, que je lui dis. J'ai reçu quatorze plaintes rien que cette semaine ! Va vraiment falloir que t'arrêtes tes conneries, tu peux pas continuer à brutaliser tout le monde comme ça ! En tant que présidente des élèves... Alors je t'arrête tout de suite, cocotte, premièrement j'ai pas voté pour toi, deuxièmement c'est pas parce que t'es présidente depuis deux semaines que tu vas faire ta loi et me dire quoi faire. Tu n'as pas voté tout court, Cass, c'est la démocratie, faut la respecter. La seule démocratie que je respecte, c'est la démocratie de la batte de baseball. Bravo, quel sens civique ! Mais peu importe ce que tu penses, si tu te calmes pas, je vais devoir prendre des mesures. Ah ouais, et tu vas faire quoi ? Je gueule en me rapprochant très près d'elle, les épaules relevées, tellement près que nos fronts se touchent presque. Mais elle ne flanche pas. Elle a du cran, mine de rien. Alors, réponds, tu vas faire quoi ? Écrire un foutu rapport ? Sérieux, tu crois que tu peux faire quoi contre moi ? Tu me fais pas peur, Cass. Non, mais je peux te faire mal. Oh oui, tabasser la présidente des élèves, ça va vachement améliorer ton cas ! Dans ce cas je peux être plus subtile... dis-moi, t'as pas un match de basket important après-demain ? Ce serait vachement dommage qu'il arrive quelque chose... Je vois ses yeux flancher. J'ai touché le point sensible. Maintenant elle va être parano jusqu'au match de demain à se demander ce que je vais faire. Parfait... elle se barre en murmurant une vague menace, et moi je pars toute contente pour aller voir Skudz derrière le gymnase. Je suis courbaturée de partout, mais au bout de trois semaines d'entraînement intensif, j'ai appris à vivre avec. Et surtout, je me sens beaucoup plus forte et confiante qu'avant, j'ai énormément appris avec Burt. Avant, je balançais des coups de poing sans réfléchir, contre un ça marchait, mais contre deux ou trois je finissais par perdre. Burt m'a appris à me battre intelligemment. OK, il m'avait dit le premier jour d'entraînement, alors que je venais de pénétrer dans son atelier, pour commencer va falloir que je vois comment tu te débrouilles en temps normal. Frappe-moi. Hein ? Allez, petite, n'ai pas peur. Cogne-moi comme si j'étais un agresseur. Au début j'étais un peu nerveuse. Je me suis mise en garde, côté gauche en avant, les poings levés, puis j'ai envoyé un direct avec hésitation. Je l'ai à peine vu bouger. D'un seul coup il a comme pivoté pour éviter mon poing, j'ai ressenti une petite tape sur l'épaule, et là c'était comme si mes jambes accéléraient toutes seules et j'ai juste eu le temps de mettre les mains devant pour amortir la chute avant de m'écraser comme une merde sur le sol en béton. Merde, j'ai grogné en me relevant, c'était quoi, ça ? Rien du tout, je t'ai simplement laissée te faire entraîner par ton propre élan. Ton coup était tellement téléphoné que je l'ai vu venir à des kilomètres. Tu te bas vraiment comme ça dans la rue ? Ben... T'as hésité, c'est ça ? Ouais. Je t'ai dit de cogner comme dans la rue ! Si t'en es pas convaincue, tu vas pas progresser ! Allez, recommence, et mets-y de la conviction cette fois. Alors j'ai rebalancé un direct, plus rapidement cette fois, mais encore une fois il a évité le coup sans problème et j'ai sursauté en poussant un petit cri quand j'ai senti son doigt me titiller entre deux côtes. Bah alors, qu'il m'a dit, hilare, t'es chatouilleuse ? J'ai commencé à rougir. Oui, je crains les chatouilles aux côtes et sous les bras, et j'ai horreur de ça, c'est une faiblesse que je ne peux pas effacer. Il a continué à ricaner, ça m'a énervée, alors en poussant un grognement je lui en ai remis une, mais encore une fois il l'a évitée, et en sentant qu'il essayait de nouveau de me chatouiller les côtes, j'ai tout de suite baissé les coudes pour me protéger, mais tout en rigolant il s'est mis à alterner d'un côté et de l'autre pour casser ma garde, puis à alterner avec de petits pincements aux hanches qui étaient encore pires, je savais plus où donner de la tête et j'ai même, à ma grande honte, poussé un petit gloussement avant de me libérer enfin. Mais arrête, je lui ai dit, j'aime pas ça ! Raison de plus, j'ai pas envie de te faire mal petite, sans compter que t'es toujours blessée, faut bien que je trouve autre chose. Tu veux pas que je recommence, défends-toi mieux que ça. Mais je donne des coups de poing corrects pourtant ! T'es juste trop rapide. La première erreur que tu fais, c'est de te mettre en garde de boxeuse. Un mec qui s'y connaît un minimum comprendra tout de suite que tu préfères te servir de tes poings et se préparera en conséquence. Deuxième erreur, tes coups sont super académiques, tu fais bien le mouvement du bassin et de l'épaule comme il faut, mais c'est trop parfait, on devine tout de suite où tu vas frapper et comment. Ouais mais faut avoir un minimum d'entraînement pour repérer ça, non ? Tu crois que j'ai été entraîné, moi ? J'ai jamais mis les pieds dans un dojo ou sur un ring, j'ai tout appris en passant vingt ans dans un gang. Les sports de combat, ça aide, mais un mec qui n'en a jamais faits et qui a dû survivre dans la rue sera toujours plus fort et plus rapide qu'un boxeur ou un karatéka qui n'a jamais pratiqué en situation réelle. La différence, c'est que dans la rue il n'y a pas de règles, pas d'honneur, tu te bats pour ta vie. C'est l'instinct qui fait toute la différence. Dis-moi, quand tu fais ta justicière, tu cognes vraiment comme ça ? Parce que vue ta façon de faire, c'est pas possible que t'aies survécu si longtemps. Non, c'est pas pareil. Enfin, je sais pas... je sais que je suis ultra nerveuse juste avant que la bagarre commence, puis une fois dedans, je ressens comme un rush, la plupart du temps je fais même pas attention à ce que je fais, je me laisse emporter et je frappe, et quand c'est fini la tension retombe et je me sens bien, d'un seul coup. La peur, c'est ça le truc. Tu sais que c'est réel et que ça peut mal finir, il y a des gens que ça paralyserait, mais toi tu t'en sers comme carburant, ça excite ton instinct de survie. C'est ça qu'il va falloir apprendre à maîtriser, pour pouvoir te battre tout en observant tes ennemis et en réfléchissant à la manière la plus intelligente de gagner. Et je fais comment ? Bah pour commencer il faut que tu te retrouves dans cet état. C'est pour ça que je vais te chatouiller encore, et que je vais continuer tant que tu n'auras pas réussi à me frapper. Quoi ? J'ai dit d'une voix blanche. J'arrivais pas à en croire mes oreilles. Et je sentais déjà comme un énorme glaçon qui me descendait dans l'estomac. Avec un grand sourire, il m'a sauté dessus. Prise de panique, j'ai essayé de lui coller une droite, mais encore une fois il a esquivé, et très vite j'ai senti de nouveau ses doigts courir sur mes côtes. J'ai eu beau me débattre, il trouvait toujours une cible, et bientôt je me suis retrouvée à terre à rire comme une tordue. Hahaha, arrête ! Burt arrête, je t'en prie ! Mais il arrêtait pas, il me dominait totalement et j'étais recroquevillée à terre à rigoler et à essayer de me protéger, jusqu'à ce qu'enfin, j'arrive à rouler loin de lui, puis je me suis relevée et je suis repartie à la charge. Peine perdue, je n'ai réussi qu'à me retrouver de nouveau à terre à subir son supplice. J'ai quand même réussi à me dégager encore, et j'allais pour rattaquer, quand j'ai soudain eu comme un flash qui m'a traversé l'esprit : il s'attendait à ce que je donne des coups de poing ! Alors je l'ai surpris en lui envoyant un coup de pied vers les roubignoles, il a eu un brusque mouvement de recul, hésitant, mais il a quand même réussi à me choper la jambe. Merde, il allait me remettre par terre ! Pas question, par instinct je l'ai attrapé des deux mains par le col de son blouson et je me suis hissée sur lui pour me dégager la jambe. Il a alors essayé de me saisir par la taille. On a lutté un petit moment comme ça, et finalement, je lui ai mis un grand coup de hanche pour me libérer et je l'ai balancé au sol. Je me suis un peu éloignée, toute perdue. J'avais pas trop compris ce qui venait de se passer. Il s'est relevé, m'a fait un grand sourire fier, et m'a dit : T'as vu ce que tu viens de faire, là ? Non, pas trop... Tu viens de me faire une prise de judo. C'était assez maladroit, mais ça a marché. Mais comment j'ai fait ça ? T'as réussi à maîtriser ta panique, et à faire confiance à ton instinct. Bravo, maintenant je vais pouvoir t'apprendre quelques techniques de combat de rue. D'accord, j'ai dit en reprenant mon souffle, par contre me refais plus le coup des chatouilles ! Oh, t'avais l'air de t'amuser quand même, petite. Je lui ai fait un petit sourire. Un peu, que je lui ai dit. Trois semaines à ce rythme-là, et aujourd'hui je me sens transformée. Toutes ses leçons me tournent constamment dans la tête, quand je croise des gens, je peux pas m'empêcher de les observer, leur façon de se tenir, de bouger, et d'essayer de deviner quel coup ils vont sortir en premier, et comment je pourrais les contrer... tout ce temps-là, j'ai pas remis la cagoule, et ça me manque terriblement. Je m'approche de l'arrière du gymnase quand j'entends des bruits de voix, des voix d'hommes à l'air menaçantes, et instinctivement, je me plaque contre le mur pour écouter : Monsieur Saddler, comment se porte votre petite affaire ? Je remarque une pointe d’accent dans sa voix. Mexicain ? Bien, bien, marmonne une voix apeurée que je reconnais comme étant celle de Skudz. Et vous ? Elle se porterait bien mieux si tous les collaborateurs de notre employeur payaient leurs… cotisations, en temps et en heure. Ouais, les gars, je sais que j’ai trois jours de retard, mais comprenez-moi, ça a été un peu difficile en ce moment, j’ai du mal à écouler le stock. Si vous pouviez me donner un peu plus de temps… Quarante-huit heures, Monsieur Saddler, c’est tout ce que nous pouvons vous accorder. Et il est inutile de vous dire ce qui va vous arriver si vous ne pouvez pas payer à temps. Vous connaissez la réputation de notre employeur dans ce domaine… J’entends des bruits de pas, et je devine que ce sont les hommes qui s’en vont. J’en profite alors pour jeter un petit coup d’œil, et j’arrive à les voir de dos, deux Hispaniques en pantalons et vestes de costume gris et chaussures en peau de serpent. L’un d’eux est chauve et porte un tatouage complexe à motifs aztèques sur le crâne. L’autre a des cheveux courts noirs et porte une boucle d’oreille. Une fois qu’il sont hors de vue, je m’approche de Skudz comme si de rien n’était. Yo, Skudz. Yo, Cass, ça biche ? Je vois tout de suite qu’il fait tout pour avoir l'air aussi calme et posé que d’habitude, alors qu’il est terrifié. Skudz, malgré son pseudo de rue fait pour lui donner un air agressif, n’est pas un mec très impressionnant. Un peu maigrichon, toujours habillé en noir, il parle le jargon des Projects comme un vrai dur, mais un œil averti voit tout de suite qu’il a du mal à y croire lui-même. Mais je sais pas pourquoi, je l’aime bien. Déjà parce que sans lui j’aurais bien du mal à me fournir en clopes, mais y a autre chose, c’est son côté faux méchant, et ses cheveux mi-longs noirs qui lui retombent à moitié sur le visage, et ses anneaux à la lèvre… ouais, bon, merde, je le trouve mignon, voilà. Oh, ça va, hein, arrêtez de sourire comme ça ! Ouais, tranquille, que je lui dis. Des copains à toi ? On aurait dit qu’ils sortaient tout droit de [i:jfld3oyx]Breaking Bad[/i:jfld3oyx]. Oh, t’inquiète pas pour moi, je gère. Je m’inquiète pas pour toi, je me demandais juste où j’irais acheter mes clopes si t’as des ennuis. Au fait, tu les as ? Il acquiesce et me tend mes deux paquets de Dunhill, que je paye. Tu sais, il me dit, tu dois être ma seule cliente qui m’achète des cigarettes. T’imagines pas à quel point ça devient dur d’en trouver, tout le monde te demande ta carte d’identité, c’est dingue ! Tu prends pas non plus la marque la moins chère. Mon business va bien, en ce moment. Racketter les gosses de riches, t’appelles ça un business ? Skudz, tu juges pas mon business, et je juge pas le tien, okay ? Au fait, tu fais dans quoi en ce moment ? Beuh ? Coke ? Nan, je suis passé à un truc plus… lucratif. Du crystal meth ? Nan, mais Cass, comme tu disais, on va pas mettre le nez dans les affaires de l’autre, hein ? Ouais, t’as raison. En tous cas, merci pour les clopes. À plus ! Je m’en vais, mais je sais déjà que je vais pas lâcher l’affaire si facilement. Ce que j’ai entendu a suffi à me faire comprendre que Skudz s’était embarqué dans des histoires glauques, et j’ai déjà décidé de ce que j’allais faire ce soir pour le retour de la justicière. Il fait nuit quand je vois le scooter de Skudz arriver en bas de son immeuble. C’est marrant, j’ai jamais su son prénom, je connaissais même pas son nom de famille avant ce matin, mais je sais où il habite, c’est aussi un gosse des Projects et je l’ai croisé plusieurs fois sortant de son immeuble. Il paraît que c’est un ancien élève du lycée qui a abandonné les études avant d’avoir eu son diplôme et qui deale dans le coin depuis, mais ça personne n’en a jamais été sûr. Alors je me cache et je baisse ma cagoule. Qu’est-ce que ça fait du bien de retrouver ce gros blouson, et la sensation du coton noir sur mon visage ! J’attends qu’il se gare, et quand il coupe son moteur il n’y a plus un bruit alentours. C’est flippant. Mais c’est ça les Projects, ça pète souvent, mais certains soirs, sans qu’on comprenne pourquoi, c’est comme si on était dans Silent Hill… Skudz ! je hurle d’une voix bestiale en sortant de ma cachette, ma fidèle batte de baseball à la main. Il sursaute en se tournant pour me faire face, avec un air comme si il allait avoir une attaque. C’était une des leçons de Burt, l’importance du psychologique. Je portais déjà un gros blouson pour ne pas qu’on voit que je suis une fille, mais si je parlais il fallait que ma voix ait quelque chose de rauque, de sauvage, alors je me suis entraînée en essayant d’imiter mes chanteurs préférés, Randy Blythe, Burton C. Bell… j’arrive à pousser des grognements assez monstrueux, mais ça m’arrache la gorge à chaque fois. Faudra que je m’entraîne pour changer ma voix sans aller aussi loin… Putain mais t’es qui toi ? il crie. C’est eux qui t’envoient ? Tes potes m’ont donné quarante-huit heures ! Non, moi, je bosse en solo. Faut qu’on parle, Skudz. Parler ? Mais de quoi, je sais même pas qui t’es putain ! Sa phrase se termine dans un cri aigu comme un chat dans un mixer quand je lui mets un coup de batte dans la jambe. Enfin, c’est une image, hein, je sais pas quel bruit ça fait vraiment un chat dans un mixer, j’ai jamais fait ça… quand même… Oh, et arrête de crier comme une gonzesse ! je lui dis. Je t’ai à peine frappé assez fort pour faire un bleu ! J’ai horreur de faire ça. Skudz n’a pas le cœur d’un criminel, et je l’aime bien. Mais faut que je joue la méchante et que je le secoue pour qu’il me parle. C’est horrible, j’ai tellement envie d’enlever ma cagoule et de lui dire, « c’est bon Skudz, regarde, c’est moi, c’est Cass ! Je veux juste t’aider, alors dis-moi dans quels problèmes tu t’es fourré ! » mais je peux pas. Je veux savoir ce que tu vends et qui te fournit. Ce que je vends ? Je vois pas de quoi tu parles. Qu’on soit clairs, Skudz, tu ne m’intéresses pas. Tu n’es qu’un petit dealer de rue qui essaye de survivre. Mais tu t’es associé à des gens dangereux, et c’est ces gens-là qui m’intéressent. Alors c’est quoi ? Meth ? Héroïne ? Je vois pas de quoi tu parles… Je décide de lui piquer son sac, et à l’intérieur je trouve un sachet en plastique rempli de genres de petits cristaux blancs. Je parle de ça, je dis en brandissant le paquet. Tu veux toujours rien me dire ? Je peux pas te dire qui me fournit… Vraiment ? Dommage… il est pas mal ce scooter… classe, même. Ce serait dommage qu’il soit… Et sans finir ma phrase, je pète un rétroviseur d’un coup de batte. Mais arrête ! Skudz gueule. Putain mais t’es complètement fêlé ! Tu comprends pas ? Je sais rien du tout sur ces mecs, on me fournit toutes les semaines et c’est toujours un mec différent, ils sont super prudents, et surtout ils peuvent me tuer si je te parle ! Je sais pas qui t’es ni ce que tu veux, mais les cherche pas, ces mecs sont dangereux ! Je le regarde, à terre, et je comprends à son air désespéré qu’il dit vrai. Ce que je veux c’est mes affaires. Je te crois, Skudz, mais j’ai pas l’intention de m’arrêter. Je garde le sachet. Je le laisse en plan, et je fonce direct au garage de Burt. Pas de doute, il me dit après avoir léché un des cristaux du bout de la langue. C’est de la phéncyclidine. De la quoi ? Du PCP, aussi appelé Poussière d’ange. Un psychotrope hallucinogène puissant. Hautement addictif, et avec des effets secondaires très dangereux, paranoïa, angoisse, violence… Mais pourquoi les gens en prennent, dans ce cas-là ? Comme toutes les drogues, petites, on cherche d’abord le bon trip, la sensation de bien-être, sans se rendre que petit à petit, ça nous bouffe… je… j’en prenais, quand j’étais plus jeune… j’ai vécu des trucs, avec ça, que je souhaiterais pas à mon pire ennemi… Tu sais qui produit ça, par ici ? Non, pas vraiment. Ça fait des années que le PCP tourne dans les Projects, mais personne peut dire qui est à la tête du réseau, ils sont organisés les mecs… attends… maintenant que j’y pense, il m’a semblé entendre dire qu’il y avait des deals le soir, dans les toilettes pour hommes du KFC, deux rues plus loin. J’y vais souvent, et le soir on voit pas mal d’allées et venues… par contre je peux pas te garantir que c’est les gars que tu cherches. Au pire, ça fera toujours un peu de drogues en moins dans les rues. Je vais voir ça tout de suite. Attends, petite ! T’es sûre de ce que tu fais ? Ces mecs, c’est pas comme les petits braqueurs des ruelles. Ils sont dangereux. Vraiment dangereux. Oui, mais j’ai été entraînée, non ? Je ne lui laisse pas le temps de protester, et je sors. J’arrive vite au KFC, un endroit que je connais bien, on y passe souvent acheter un Bucket quand maman fait des heures sup et rentre trop tard pour cuisiner. Comme on peut s’en douter pour un restaurant des Projects, l’endroit pue le graillon, le sol a l’air de pas avoir été balayé depuis des lustres, et toutes les tables semblent briller d’une fine pellicule de graisse. Il paraît que quelqu’un a trouvé un doigt dans sa commande, une fois. Un cuistot qui se l’était coupé, et le machin était tombé dans la friteuse. Pané avec la panure spéciale aux 11 herbes, et frit, comme un Tender. Sauf que quand tu croques dedans, ben c’est un doigt humain. J’en ai la gerbe rien que d’y penser. J’attends un peu, je fais mine de faire la queue et j’observe discrètement autour. Je vois un mec se lever et se diriger vers les chiottes. Deux minutes après, un autre se lève et y va aussi. Je vois un truc dans leurs yeux, un truc intense, qui me dit qu’ils sont pas venus là pour bouffer du poulet. Le premier mec est toujours pas revenu. Un troisième se lève. Il porte dans le cou le même tatouage que j’avais vu sur le crâne de l’autre ce matin. Là j’en suis pratiquement sûre, il y a bien un deal dans les chiottes, et ils y vont tous un par un pour rester discrets. Je les suis. Le couloir qui mène aux toilettes est mal éclairé, et plus je m’approche de la porte, plus l’odeur infecte de la pisse mal nettoyée se mélange à celle de l’huile des cuisines pour me prendre au nez. J’imagine déjà l’intérieur… je me plaque contre la porte, et j’écoute. Des voix, plusieurs voix différentes qui parlent. Aucun doute, il se passe un truc pas net là-dedans. Pendant une seconde j’ai comme la peur de me tromper, de débarquer là-dedans alors qu’ils ne font rien de mal, puis je me ravise, une voix dans ma tête me dit, « Hé ho ! Un groupe de mecs qui discutent dans des chiottes dans les Projects, à ton avis, ils sont là pour jouer à WarHammer ? » Je comprends rien à ce qu’ils disent, le son est trop étouffé à travers la porte, mais je me concentre pour essayer de deviner combien de personnes sont à l’intérieur. J’en ai vu trois y aller, mais j’entends plus que trois voix. Cinq, peut-être six. Et merde. J’ai jamais combattu plus de trois mecs à la fois… et je gagnais pas souvent. D’accord, j’ai fait du chemin depuis, mais une demi-douzaine, quand même… je sens comme si on m’étranglait d’un seul coup, et je me rends compte que c’est juste moi qui ai arrêté de respirer. J’ai trop envie de pisser d’un coup. Et de rentrer chez moi en courant, me foutre sous la couverture et faire comme si tout ça n’était qu’un rêve. Alors j’ouvre un peu mon blouson et passe la main dedans, tâtonnant entre mes seins jusqu’à ce que mes doigts trouvent le petit crucifix en argent que je porte en pendentif depuis que j’ai sept ans. Le dernier cadeau de mon père. Une tradition qui vient de son côté de la famille, en Irlande. Je le serre très fort dans ma main tremblante, je ferme les yeux, et je récite tout doucement la prière familiale qu’il m’a apprise : Seigneur, nous serons les bergers Pour ta gloire, mon Dieu, pour ta gloire La puissance de ta main en nous est passée Que nos pieds nous conduisent pour accomplir ta volonté Et que par la rivière soit emportée la multitude des âmes que tu as rappelé In Nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Puis je referme mon blouson, je mets mes gants, je descends la cagoule sur mon visage, et dans un murmure je prononce le dernier mot du verset : Amen Puis j’ouvre la porte d’un coup sec et je m’engouffre dans les toilettes en hurlant comme une furie, en hurlant à m’en brûler la gorge pour faire monter l’adrénaline, pour transformer toute ma terreur en pur instinct de survie, un instinct que Burt m’a appris à maîtriser. Je fonce, et j’assène au premier homme que je vois un coup de pied dans la poitrine qui le repousse pour s’écraser contre les lavabos. Le coup de pied frontal, un mouvement facile et idéal pour repousser un adversaire. Je me tourne direct après pour faire face aux autres dealers, j’enchaîne coups de poing sur coups de poing, sans regarder sur qui je tape, en suivant juste mon instinct. Personne ne riposte, comme Burt me l’avait dit : une attaque surprise, rapide et violente, ça choque, les gens ne s’y attendent pas, et leur cerveau fait en général un truc très con, il se fige. Mais ça ne dure jamais très longtemps, et très vite l’un des hommes se ressaisit et me plaque contre le mur d’un coup de bélier. Je me dégage avec tout ce que je peux, coups de genoux, coups de coudes, jusqu’à ce que j’arrive à avoir assez de marge de manœuvre pour lui mettre un coude dans la mâchoire. Un coup à ne jamais sous-estimer, que m’avait dit Burt. Simple et extrêmement efficace, même contre un adversaire plus fort. Je pousse alors le mec contre les autres qui me viennent dessus et je m’avance vers le centre de la pièce. Le premier à se remettre m’envoie un grand coup de poing que j’intercepte avant de riposter : direct du droit, direct du droit, crochet du gauche, coup de pied dans le genou. Une technique redoutable, et le craquement de l’articulation suivi du cri suraigu du mec m’informent que je l’ai réussie. Mais j’ai pas le temps de célébrer qu’un autre attaquant me fait un coup de bélier et me pousse contre une porte de cabine, qui s’ouvre sous le choc et notre propre élan nous entraîne tous les deux à tomber contre la cuvette. Ni une ni deux, j’attrape la tête du mec et la plonge dans l’eau comme si c’était un gamin de seconde, quand mon instinct me dit qu’un autre attaquant va me tomber dessus par derrière, alors je me tourne et d’un geste vif, je claque la porte au nez de l’agresseur. Mais j’ai donné juste assez de temps au gars de la cuvette pour se relever, et il me plaque contre la porte que je viens de fermer avec une telle violence que celle-ci se dégonde et s’écrase au sol, nous emmenant dans sa chute. Le gars se retrouve au-dessus de moi et essaye de m’étrangler. J’essaye de me dégager en posant ma main sur son menton et en poussant fort, mais il est plus fort que moi. Beaucoup plus fort que moi. Heureusement, je ne me bats pas à la loyale, alors je bouge ma main vers son visage et commence à lui enfoncer mes doigts dans les yeux jusqu’à ce que la douleur le force à lâcher prise, et j’en profite pour basculer et me retrouver au-dessus de lui. Mais ses copains commencent à me savater les côtes et m’obligent à lâcher prise, je me roule sur moi-même pour éviter leurs coups qui me pleuvent dessus. J’ai mal partout, si je me dégage pas vite ils vont me péter les côtes une par une. Je vois un pied qui arrive, je le chope au vol, il tente de se dégager et me traîne sur le sol jusqu’à ce que j’arrive enfin à retrouver un appui et à me relever. Je tiens toujours la jambe du mec qui se retrouve à ma merci, alors je le plaque contre un mur et avec ma main libre, je lui mets un coup de poing dans l’aine, et un autre, et encore un autre. J’en ai marre. Je suis tellement fatiguée que je calcule plus rien. J’ai tellement mal aux côtes que j’ai l’impression de respirer de l’acide. Tout est flou, je vois à peine ce qui se passe dans ces toilettes, pour moi tout ne devient qu’un amalgame informe de cris, de sang, de sueur, de larmes et de fureur. Je prends des coups. J’en donne. Je tombe. Je me relève. Quelqu’un d’autre tombe. Hurlement d’agonie d’une articulation brisée. Le carrelage humide commence à être maculé de taches de sang. À un moment je me dis que ma cagoule est mouillée, et je me rends compte que c’est mon propre sang qui a coulé de l’intérieur. Depuis où, j’en sais rien. J’ai tellement pris de coups que j’arrive pas à savoir exactement où sont mes blessures. Emportée par ma furie, je ne maîtrise plus ma force et je parviens à saisir un mec pour l’envoyer voler contre le miroir qui se brise en mille morceaux. Un autre mec me fonce dessus, mais il glisse sur une trace de sang avant d’arriver sur moi et s’écroule tout seul. Quel con. Celui du miroir se relève, il a du sang qui coule de son crâne, et une lueur meurtrière dans les yeux. Il s’empare d’un morceau de verre brisé et l’agite vers moi. Je suis fatiguée, je veux rentrer chez moi maintenant. J’ai plus la force de lever les poings. J’arrive à peine à respirer. Je vois flou. Mais si je fais pas un dernier effort, je finirai vidée comme un poisson. Concentre-toi. Je pense à Burt. À ses conseils. Dans un combat de rue, tu ne peux pas tout maîtriser, tu te prendras forcément des coups, tu auras forcément mal. L’important, c’est de serrer les dents et de rester concentré, pour sa survie. Je respire un grand coup, tentant d’oublier la douleur, et j’expire lentement. Je dois me laisser aller, éteindre mon cerveau, et faire confiance à mon instinct. Je vois le bout de verre foncer vers moi. Je me décale pour l’éviter, j’attrape le bras du mec au vol d’une main, et de l’autre, j’arrive à le saisir à l’arrière de la tête, et je pousse de toutes mes forces pour lui exploser le nez contre le sèche-mains, qui se met en route tout seul. J’ai mal aux bras. Je peux plus les lever. Et pourtant, celui qui avait glissé essaye de se relever, je vois qu’il est en souffrance. Il a dû se fouler la cheville en tombant. Il me regarde, et je vois qu’il a peur de moi. Il faut… finir… putain j’en peux plus… finir ce que j’ai commencé… je me traîne vers lui comme un zombie. Lui doit se tenir au lavabo pour pas tomber. Je lui colle un pain. Et un autre. Il reste debout. Il peut pas se défendre, mais il refuse de tomber. Alors je réunis toutes les forces qu’il me reste, et en rugissant comme une lionne, je lui balance la plus grosse patate dont je suis capable, tellement grosse que je me retrouve emportée par mon élan et je me cogne contre le lavabo avant de m’étaler au sol. Je sais pas combien de temps je suis restée allongée là, mais quand je reprends mes esprits, je me redresse en position assise, et je regarde autour de moi pour me rendre que malgré mon état… Je suis la dernière debout. Et là, assise au milieu de ces corps inconscients, je penche la tête en arrière, et malgré la torture que me font subir mes côtes, je pars dans un fou rire hystérique, le genre de rire qui vous prend comme ça pour les raisons les plus absurdes du monde, qui vous prend quand la chose la plus improbable se déroule sous vos yeux. Comme quand une gamine de dix-sept ans morte de trouille fait face à une demi-douzaine de dealers endurcis. Et les bat. Lorsque j’arrive enfin à me calmer, je rampe parmi les corps, à la recherche de l’homme tatoué, et lorsque je le trouve, je le réveille d’une claque et m’assois sur lui pour le dominer. Pour qui tu travailles ? je lui demande de ma voix rauque. Jones, il me dit. Je travaille pour Cliff Jones. C’est qui ce Cliff Jones ? Où est-ce que je peux le trouver ? Va chier. T’en as pas eu assez ? je lui demande en brandissant mon poing. Il part d’un rire sinistre. T’as vraiment envie de crever, hein, [i:jfld3oyx]pendejo[/i:jfld3oyx] ? D’accord, si c'est ton souhait, va au Red Pepper. Mais je te préviens, quand Jones te tiendra, il ne fera pas que te tuer. Il commencera par toute ta famille et tous ceux qui te sont chers. Je n’ai personne. Je n’ai rien à perdre. Si tu n'as déjà plus rien à perdre, alors tu es déjà mort. Dis-moi, quel nom on va inscrire sur ta tombe ? _ Je n'ai pas de nom.

  • Hasana Avatar
    Hasana - il y a 8 ans

    Black... Tu es vraiment vraiment doué, j'adore ton histoire et ce que tu écris, c'est troooopp bien !!!!!
    Bon, le coup du doigt dans les frites c'était degeu mais je te le pardonne :p
    Tu as intégré quelques chatouilles dedans et je trouve ça genial, surtout que tu as réussi à garder l'esprit de ton histoire ;) bravo Black, vraiment :)


  • Sweety Avatar
    Sweety - il y a 8 ans

    Ok ok, j'ai enfin trouvé le temps de tout lire...

    Black, tu sais à quel point j'ai aimé "La justicière"...
    Autant te dire que pour cette nouvelle histoire, c'est le cas aussi.
    Tu as vraiment du talent, c'est captivant, on lit sans voir le temps passer!
    Et j'étais tellement à fond dans l'histoire que j'avais oublié que nous étions sur un forum de chatouilles. Alors quand la scène avec Burt et Cass est arrivée, ça m'a fait tout drôle, je ne m'y attendais pas du tout !

    Bref, j'ai hâte de lire la suite, bravo BS ! :)


  • Black Stingray Avatar
    Black Stingray - il y a 8 ans
    [b:165kqdin][u:165kqdin]Chapitre 4 : Soirée au club[/u:165kqdin][/b:165kqdin] Allez, encore ! me dit Burt. Je prends une inspiration et je lève la jambe, en pivotant la hanche en même temps pour créer un mouvement rapide et fluide, et mon pied tape la patte d’ours que Burt tend à bout de bras à hauteur de tête. Burt recule d’un pas tout en maintenant ma cible à la même hauteur, j’avance d’un pas et je tape encore du même pied, puis il recule et abaisse la cible au niveau de la taille, je tape de nouveau. Plus vite ! il me dit en reculant encore et en relevant la patte d’ours. Je fais un pas en avant plus hâtif et lève la jambe bien haut pour taper, et j’en envoie un autre de la même jambe tout de suite après, et encore un autre, et emportée par mon élan, je décide de tourner sur moi-même et d’envoyer un grand coup de pied retourné de l’autre jambe. Je ne touche rien, et à peine j’ai reposé le pied par terre que Burt m’envoie la patte d’ours dans le nez. Aïe ! je grogne en reculant. T’as recommencé, il me dit. Combien de fois je te l’ai dit, petite, les coups de pieds retournés et autres trucs de karaté flashy, ça ne marche pas dans la rue. C’est trop lent, tu te déséquilibres, et tu perds ta cible des yeux, tout ce que tu ne veux pas faire, en somme. Des coups rapides, qui économisent les mouvements, et qui visent les points sensibles, c’est ça que tu dois faire. Des coups chiants, en somme. Qui te permettent de rester en vie. Ouais, ben Batman il gagne pas ses combats avec des coups de genoux dans les couilles. C’est pour ça que Batman n’est qu’un personnage fictif. Écoute, il y a quelques années, quand je roulais encore avec les Bandidos, on avait ce mec, Drake, mais tout le monde l’appelait Dragon. Un ancien Marine, un mec t’aurais vu ses muscles, c’était un vrai Action Man. Et ce gars-là était à fond dans Bruce Lee, il avait étudié sa technique et tout, et il nous expliquait, genre les coups de pieds les plus efficaces c’est ceux que je te fais faire, directs, et rapides, faut que ce soit hyper rapide, c’est pour ça qu’il faut s’entraîner à mort. Et quand tu maîtrises bien, par contre, tu peux sécher un mec en moins de deux. Mais les coups de pied à la tête, c’est pas un peu trop flashy, justement ? Contre plusieurs adversaires faut éviter, mais contre un, les grands coups de pied ça permet de tenir la distance, si le mec est plus grand que toi et qu’il a une plus grande allonge par exemple. Et les coups de pied retournés, y a pas moyen de les placer en vrai, alors ? Si, mais faut vraiment être sûre de ton coup, et en règle générale, Drake nous a dits, t’as toujours un coup moins compliqué à sortir. À la limite, il nous a dit, là où c’est utile c’est contre plusieurs adversaires, ça les impressionne, donc ils restent à distance au lieu de te sauter dessus. On va travailler pas mal sur les pieds à partir de maintenant, t’es souple mais t’as pas encore vraiment la technique. Oui, Maître, je dis en souriant et en faisant une révérence exagérée. C’est ça, il me dit en rigolant et en me mettant une petite tape sur le crâne, fous-toi de moi. Allez, ça va suffire pour aujourd’hui. Je bois une grande gorgée d’eau puis je m’assois sur l’établi et je m’allume une clope. Tu sais, il dit en s’asseyant près de moi, tu devrais aussi penser à ralentir un peu sur la cigarette. Ce serait con que t’aies le souffle coupé en plein combat. Jusque-là, ça m’est jamais arrivé. Ouais, parce que t’es jeune et t’as des poumons d’athlète, mais crois-moi, un jour ça va te rattraper… alors… tu vas au Red Pepper ce soir ? Ouais. Mais j’y vais en civile par contre, pas de baston, je veux juste voir de quoi il en retourne. Tu veux pas que j’y aille plutôt ? Un rade pareil, pour une jeune fille, ça peut être dangereux. Nan, t’inquiète, tu m’as appris à bien me défendre, après tout. Mais tu préfères pas prendre une pause ? Tu m’avais pas dit que c’était ton anniversaire ce soir ? Demain. Ah, d’accord. Fête avec les copines ? J’ai pas de copines. Ce sera un dîner avec ma mère, comme d’hab… Tu dis ça comme si c’était une corvée. Tu sais, avec ma mère on se parle plus beaucoup depuis qu’on a quitté Seattle. Ouais, je sais… mais je te trouve dure avec elle. Elle t’aime, et je suis sûr qu’elle se sent encore super mal pour l’histoire avec ton beau-père et tout. Donne-lui une chance. J’y penserai. Bon, du coup, je suis un peu en avance, mais… bon anniversaire, petite. Et là, à ma grande surprise, il me tend un gros paquet cadeau. Je me sens tout à coup super gênée, je marmonne un truc comme quoi il fallait pas, mais il me répond juste avec un grand sourire et insiste pour que je l’ouvre. Ce que je fais, pour découvrir deux gros bâtons en polymère noir d’environ soixante centimètres de long, avec chacun une poignée perpendiculaire. Des tonfas ? je demande. Ouais, le même modèle que ceux utilisés par la police. Ça fait très mal, et c’est pratiquement incassable. Tu peux même t’en servir pour bloquer des coups, en les tenant le long de tes avant-bras. Impressionnée, je me lève et je fais tournoyer mes nouveaux jouets dans les airs, cherchant la meilleure prise pour les tenir et essayant plusieurs coups. Ils te plaisent ? Si ils me plaisent ? J’adore ! Puis je pose mes armes et je me jette sur lui pour lui faire un gros câlin. Je sais pas pourquoi. Je fais jamais ça, d’habitude, j’aime pas ça. Mais là c’est spontané. Merci, Burt. C’est super ! De rien, petite, de rien. Mais sois prudente, d’accord ? Promis. Le Red Pepper est un bar/club à ambiance latino, situé à l’extrémité sud des Projects. En fait, il est tellement à l’extrémité que je suis surprise en arrivant d’avoir dépassé presque complètement les tours HLM auxquelles je suis habituée au profit des quelques vieux hangars et locaux désaffectés d’une ancienne zone artisanale. J’entends les cris de quelques mouettes. On est à la limite de Coast Way Bay, et l’idée me fait frissonner. Le quartier le plus pourri de la ville, encore pire que les Projects, j’ai encore jamais osé m’y aventurer. Ça va aller, je me dis. Pas de baston ce soir. Juste entrer, être sympa avec tout le monde, et essayer d’en apprendre plus sur ce mystérieux Cliff Jones. Ça va aller, tout en douceur. L’établissement se trouve au bout d’un grand parking, et c’est dur de le louper, avec ses grosses lettres lumineuses rouges. Et qu’est-ce qu’il est grand ! Un immeuble circulaire de quatre étages, avec comme un faux air de temple asiatique. Si ça se trouve, c’est un ancien restaurant chinois, ou un temple bouddhiste, qui a été racheté et complètement transformé pour devenir un club latino. Je regarde les bagnoles garées en traversant le parking, la plupart des lowriders, aux peintures flashy et aux chromes rutilants. Des caisses de gangstas ou je m’y connais pas. Je commence à transpirer. Du calme, du calme ! Pas de problème ce soir, tu n’es qu’une nana en manque d’adrénaline qui vient squatter chez les mauvais garçons pour le kiff. Tiens-toi à ce rôle, si ça va plus loin, dis que tu dois rentrer, et si ça dérape, mets un coup de coude au plus proche et tire-toi fissa. Je passe la porte après avoir traversé un barrage de fumeurs qui, j’en suis sûre, me reluquent au passage, et j’arrive dans la salle principale, baignée dans une lumière rouge tamisée, avec un grand bar à ma gauche, un escalier en colimaçon à ma droite, et tout droit, l’espace s’ouvre sur une grande piste de danse carrée bordée de tables et de banquettes, sur laquelle des hommes et des femmes, hispaniques pour la grande majorité, se trémoussent sur un genre de dance latino ultra-forte. C’est pas du tout le genre d’endroit où je me sens à l’aise. Et en plus il fait super chaud. Je sais pas du tout quoi faire, là. Alors je me dirige vers la piste de danse à pas hésitants, et un type qui doit avoir deux fois mon âge me tend la main en souriant. Je me fixe, surprise, mais j’ai pas le temps de battre en retraite qu’il m’a déjà pris le bras et entraînée sur la piste. Bon, une petite danse, ça fait pas de mal après tout… mais, qu’est-ce qu’il fait, là ? Il me serre d’un peu trop près et commence à me toucher le cul. Merde, merde, merde… en temps normal il s’en serait pris une, mais je veux pas faire de scandale ici. Heureusement, il y a beaucoup de monde, et j’arrive à l’esquiver et à me fondre dans la masse. Ouf, je me dis en ressortant de la piste, mais voilà qu’un autre homme se plante devant moi et me tend la main. Bonsoir, il me dit, vous venez pour les combats ? Pardon ? je réponds, éberluée. Des combats, j’ai sûrement mal entendu. Alors l’homme me prend délicatement par le bras et m’entraîne dans un coin plus calme, près de l’escalier. Je me laisse faire. Ce gars n’a pas l’air méchant, il doit avoir la trentaine, et a un physique plutôt frêle, et une dégaine d’intello, avec son costume brun tout propre, ses petites lunettes rondes, sa raie sur le côté et son sourire tout gentil. Il a l’air parfaitement inoffensif. Les combats, il me dit, vous venez pour concourir ? Ah non, je réponds, je ne vois pas de quoi vous parlez. Oh, excusez-moi, quand je vous ai vue, j’ai cru que… enfin… Il ne finit pas sa phrase et se contente, l’air gêné, de faire des gestes devant son propre visage. Je comprends ce qu’il veut dire. J’ai encore pas mal de contusions de la baston dans les chiottes d’hier, ma tronche doit être jolie, tiens. Y pas de mal, je dis. Mais, qu’est-ce que c’est que ces histoires de combats ? Vous êtes organisateur de matchs de boxe, ou quelque chose comme ça ? Venez avec moi, il me dit en me posant une main sur l’épaule, ça va vous plaire. Et il m’entraîne jusqu’à l’escalier, qu’on descend pour se retrouver dans une cave aussi grande que la salle au-dessus. Quel changement d’ambiance ! La seule musique ici c’est les cris d’encouragement des hommes venus parier et les couinements excités de leurs copines en manque de sensations fortes. L’endroit pue la sueur et la clope. Et au milieu de toute la foule, il y a une sorte de fosse, dans laquelle le type le plus énorme que j’ai jamais vu est en train de mettre une branlée à un autre pauvre gars. Le spectacle me met très vite mal à l’aise. Le gros type a le crâne rasé et un gros visage rougeaud au regard hargneux, il fait près de deux mètres de haut, doit faire dans les deux cent kilos, et a des bras comme des jambons. Et la violence de ses coups, j’ai jamais vu ça. L’autre gars est en train d’agoniser, et lui il continue, il lui en colle une, et encore une autre. C’est pas un combat, c’est une vrai boucherie. Puis, comme si les suppliques de sa victime à terre le fatiguaient, il s’arrête enfin, et lève la tête vers la foule pour pousser un genre de grognement qui n’a rien d’humain. Je ressens une drôle de sensation dans le bas-ventre, un mélange de chatouillement et de froid, et je me rends compte que ce monstre me terrifie encore plus que les clowns. Le vainqueur, hurle alors dans son micro un présentateur aussi excité que s’il commentait le SuperBowl, le Boucher ! Incroyable, n’est-ce pas ? me dit l’intello en haussant la voix pour couvrir les applaudissements. Le Boucher est notre champion en titre ! Et le seul pitfighter dans tous les États-Unis à avoir tenu plus de cinq minutes face à Moloch le Destructeur, de San Francisco. Bon, il n’a pas gagné, mais en même temps, personne n’a jamais battu Moloch… Attendez, parce que des combats comme ça, il y en a dans tout le pays ? Bien sûr ! Le public adore, et il y a beaucoup d’argent à se faire, si on se débrouille bien. Alors, intéressée ? Quoi, vous voulez que je me batte contre ce type ? je m’écrie d’une voix blanche. Non, certainement pas ! Nous avons une division féminine, aussi. Vous savez quoi, si je vous offrais un verre ? Nous pourrons en discuter plus calmement. J’accepte volontiers et il me guide vers le bar du rez-de-chaussée, où on s’installe sur les tabourets. Il nous commande deux verres de vin. J’ai l’impression qu’il essaye de faire distingué pour m’impressionner. Je réprime de justesse une grimace à la première gorgée. La première fois de ma vie que j’ai bu de l’alcool, c’était la bière que m’avait offert Burt, il y a quelques semaines. Et autant la bière, ça passe, mais le vin… Au fait, me dit-il, j’ai omis de me présenter, où sont mes manières ! Victor Clegane, je suis le manager de cet établissement. Et vous êtes ? Dixie Fielding, je réponds sans hésitation. J’avais réfléchi sur le trajet à deux trois bobards à sortir au cas où on me poserait des questions. Notamment sur mon nom. J’ai pas été le chercher loin, celui-là : mes initiales c’est D.C., quand on le dit vite ça ressemble à Dixie. Et Fielding, c’est le nom de famille de Blaze Fielding, mon perso préféré dans [i:165kqdin]Streets of Rage[/i:165kqdin]. Donc voilà. Il continue de me poser des questions, sur d’où je viens, ce que je fais, tout ça, des questions de base pour lesquelles j’avais déjà des histoires toutes prêtes. Mais je sens un truc bizarre dans sa façon de me parler, son petit sourire, sa façon de me regarder, de se pencher vers moi… j’ai de plus en plus l’impression qu’il me drague ! Décidément, j’ai du succès ce soir, mais le côté intello, c’est pas mon genre. Et puis il est trop vieux. Sans déconner ! La conversation continue, je le vois avec horreur essayer de se rapprocher de plus en plus, sans trop savoir quoi faire. Enfin, mon sauveur arrive, sous la forme d’une fille d’à peu près mon âge, ou peut-être de deux ou trois ans plus âgée, grande et belle, avec de longs cheveux noirs coupés en frange et un look gothique, avec ses collants noirs, sa jupe noire en skaï, son corset, son teint diaphane, et son vernis noir sur les ongles. Elle arrive derrière Victor et lui pose une main délicate sur l’épaule. Monsieur Clegane, lui dit-elle, Monsieur Jones demande à vous voir. Oh, fort bien. Dixie, ce fut un plaisir de faire votre connaissance, j’espère que vous nous rendrez bientôt visite. Voici ma carte, je vous laisse réfléchir à mon offre. Excellent soirée. Et avec un petit hochement de tête, il se lève et va grimper l’escalier en colimaçon. Je croise le regard de la gothique, et elle me fixe de ses yeux bleus clairs avant que ses lèvres d’un rouge sombre ne s’ouvrent pour me faire un magnifique sourire. Puis elle disparaît à son tour, non sans m’avoir fait une légère caresse sur l’épaule avant de rejoindre l’escalier. Non mais ? Incroyable, je ne sais pas ce qu’ils mettent dans les boissons dans ce bar, mais même avec les filles j’ai un ticket ! C’est vrai qu’elle est vachement bien roulée… j’en viendrais presque à me dire que c’est dommage que je préfère les mecs. Enfin bref ! Je triture la carte de visite de Victor entre mes doigts. L’idée de devenir une pitfighter est assez séduisante, en fait. Non seulement ça me fera un excellent prétexte pour squatter ce bar et choper des infos sur ce Cliff Jones, mais en plus ça me fera de l’entraînement, et payé par-dessus le marché ! Je crois que je le rappellerai bientôt. Je range la carte dans ma poche et j’essaye de finir mon verre de vin à petites gorgées, quand je me rends compte que le type assis à côté de moi est familier… un chauve en costume, avec un gros tatouage sur le crâne… et l’autre… les deux mecs qui étaient au lycée hier matin ! J’ai le cœur qui commence à battre la chamade, mais j’essaie tant bien que mal de cacher mon excitation, et j’écoute leur conversation tout en faisant sembler de me concentrer sur mon verre : Et là elle m’avoue qu’elle m’a trompé ! Et avec un clochard de Coast Way Bay en plus ! Un clochard de Coast Way Bay ! Mais elle a vraiment aucune dignité ! Tu connais son nom à ce tocard ? Ouais, apparemment il est connu… Black… Harry Black, quelque chose comme ça. Blackie Harrington ? Ouais, c’est ça ! Ah, la salope… j’ai entendu parler de lui, c’est une espèce de junkie qui traîne chez Nancy, le bar à motards. Et il deale aussi avec les Chinois, enfin vaut mieux pas se mêler de ses histoires. J’ai quand même bien envie de lui casser la gueule à ce hijo de puta ! Non, non, non, on se mettrait les Chinois et les motards à dos, et ça servirait à rien… ce mec est tellement défoncé en permanence qu’il comprendrait même pas que t’es en train de lui taper dessus. Largue-la, ta meuf, t’en auras des mieux, t’inquiète. Et la touche plus, parce que vue la réputation de ce mec, on sait pas quel genre de saloperie elle a pu choper. Au fait, en parlant de casser la gueule, faut qu’on retourne lui apprendre la ponctualité, à Saddler ? Ouais, c’est prévu. Demain après-midi, il devrait être en train de dealer à son endroit habituel, derrière le gymnase du lycée Sud. On y va à trois heures, on le chope discrètement, et on le ramène ici, Monsieur Jones veut le voir personnellement. Qui sait, peut-être qu’il le filera à ce tordu de Kurtashkine pour qu’il s’amuse un peu. En tous cas, quand il en aura fini avec lui, je te parie qu’il paiera plus jamais en retard ! J’en ai le souffle coupé. Merde, Skudz… ils vont revenir demain s’occuper de son cas. Putain, il est mignon, j’ai pas envie de le voir torturé par ce Kurt… machin ! Je pourrais le prévenir, mais ça changerait rien, ils ne feraient que le choper un autre jour. Il peut pas se cacher éternellement. Et puis, il se demandera sûrement d’où je tiens mes infos. Nan, c’est pas possible. Prévenir la police ? Nan, ils coffreraient Skudz en même temps… bon, pas trop le choix. Je crois qu’exceptionnellement, la justicière va devoir faire une sortie en plein jour !

  • Hasana Avatar
    Hasana - il y a 8 ans

    Trop cool !!! J'aime vraiment beaucoup l'ambiance de ton histoire et je trouve ça super de voir ce qu'elle ressent, ses pensées toussa, qu'on avait pas dans la Justicière :)
    Continue comme ça Black, ça vaut vraiment le coup


  • ArkTFainT Avatar
    ArkTFainT - il y a 7 ans
    BS, elle est pour quand la suite? Ça fait quand même presque quatre mois que je ronge mon frein perso et je suis certain que je suis loin d'être le seul. Et j'attends la même chose de ta part Roxane.

  • Hasana Avatar
    Hasana - il y a 7 ans
    Ouais ouais je sais bien, mais il faut que je trouve de nouvelles idées, et pour l'instant je suis à court x) mais ça va venir

  • Black Stingray Avatar
    Black Stingray - il y a 7 ans

    Salut, ben moi malheureusement, j'ai pas le temps, et j'ai aucune idée de quand je pourrai m'y remettre :hum: